Un châle patiné jaune
quelqu’un m’a demandé hier ce qu’était la sororité
je l’ai haï de m’avoir fait ressentir cela
la haine de soi ça s’appelle
la fois où j’ai rencontré sa femme
j’étais son trophée
l’arrogance jeunesse érigée en flambeau
elle elle avait son âge
sa taille haute conjuguée à une masse de cheveux exubérants
lui donnait une belle allure de femme
habituée à être regardée
puis elle s’est retournée
et là sur sa face mappemonde
une cartographie aberrante
des sillons gravés à l’aveugle
j’ai cherché dans ce visage ce qui n’allait pas
ses traits embroussaillés
n’étaient pas à leurs bonnes places
m’approcher tout près
plonger mes doigts dans ce fouillis
de ratures mettre de l’ordre
prélever une à une ses rides
d’une caresse de sœur
les lisser du plat de la main
pareil au geste tranquille
de peigner les franges d’un châle
un châle patiné jaune
le souffle coupé
ressentir le mal de ma jeunesse
conquérante pour rien
sans traces encore visibles
désir facile du corps
banal instrument exposé
une honte en continu se répandait
une honte grondante en fourmilière
vrillant tout le corps
non je ne pouvais pas faire cela à une femme
lui faire cela
mal à elle
ni à cette autre femme
qu’un jour je serai