a/ une boîte en os

05/ un châle patiné jaune

Un châle patiné jaune
quelqu’un m’a demandé hier ce qu’était la sororité

je l’ai haï de m’avoir fait ressentir cela
    la haine de soi ça s’appelle
        la fois où j’ai rencontré sa femme
        j’étais son trophée
l’arrogance jeunesse érigée en flambeau
          elle elle avait son âge
   sa taille haute conjuguée à une masse de cheveux exubérants
   lui donnait une belle allure de femme
habituée à être regardée
puis elle s’est retournée
et là sur sa face mappemonde
une cartographie aberrante
des sillons gravés à l’aveugle
j’ai cherché dans ce visage ce qui n’allait pas
ses traits embroussaillés
n’étaient pas à leurs bonnes places
              m’approcher tout près
plonger mes doigts dans ce fouillis
de ratures mettre de l’ordre
    prélever une à une ses rides
     d’une caresse de sœur
      les lisser du plat de la main
       pareil au geste tranquille
         de peigner les franges d’un châle
un châle patiné jaune
le souffle coupé
ressentir le mal de ma jeunesse
conquérante pour rien
sans traces encore visibles
désir facile du corps
banal instrument exposé
     une honte en continu se répandait
     une honte grondante en fourmilière
                                         vrillant tout le corps
non je ne pouvais pas faire cela à une femme
lui faire cela
mal à elle
             ni à cette autre femme
             qu’un jour je serai

© Marie Legros M — 2023 — crédits