Spectacle déchiré tient ensemble
_Robert Franck_
————[Scène extérieur 1]————
ces photos d’américains d’américaines
nous restent sur les bras
barres blanches-rouges et cinquante étoiles sur fond bleu
drapeau-coupe-la-parole
fête nationale capturée à proximité
d’une photo de deuil
afflue sur ton visage
une jaillissante embardée de tendresse
une densité grandissante
au fur et à mesure que nous nous rapprochons
une platine à l’échelle de St Marks Place
prolonge plus ample
le son
sur Canal street
ses rues encombrées vibrantes
ses collections de scotch sur des cartons par terre à 1 dollar
là où ce livre d’images t’est tombé entre les mains
soigneusement égaré pour toi
————[Scène intérieur 2]————
Ratissées du passé
trop d’images n’évoquent aucun souvenir
celles qui restent
se censurent d’elles-mêmes
passent entre les mailles de ton pull en V
encastrent tes yeux
dés le matin
ou alors s’est-on trompé dans les grandes largeurs ?
pas lui pas Robert Franck
les siennes nous touillent à la cuillère en bois
nous font du bien sans nous flatter
des lieux du quotidien carressés
des drames tout de travers
un chien en escargot à ses pieds
des lunettes papillon posées sur le nez
tes images
efficaces présages
actionnent un ordre
pas nécessairement
chronologique
qui en dit long
tu sembles connaître tes semblables
comme s’il s’agissait de l’angle de tel mur
d’un morceau d’espace connu par coeur
exploré tendrement
une tasse de café tiède bourdonnante de chaleur
bien calée dans ta paume
dans ton regard
ne pas disparaître
purement et simplement
de nos mémoires
ne pas s’effacer
Robert Franck
le ciel établit son endroit
debout sur tes genoux